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Ma Yougoslavie
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30 juin 2013

La Croatie 28ième membre de l'Union Enropéenne

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Dix ans de procédure ont lassé l’opinion, peu concernée par l’adhésion de son pays à l’UE, lundi.

Plus que douze jours, plus que onze jours, plus que huit jours… Sur les écrans de télévision, le compte à rebours égrène depuis des semaines le temps qu’il reste avant le jour J, celui de l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne. A Zagreb, l’immeuble qui abritera la représentation de l’Union européenne, qui, lundi, comptera donc 28 et non plus 27 membres, achève sa mue. La petite place où il est situé, presque au pied de la cathédrale, vient d’être repavée. Elle n’attend plus que l’inauguration des étoiles européennes. Et la fête prévue dimanche, plutôt modeste en ces temps de rigueur, à quelques pas de là, sur la place Ban-Jelacic, celle qui avait vu la Croatie célébrer son accession à l’indépendance en 1991. Comme il y a vingt ans, des feux d’artifice illumineront le ciel au-dessus de Zagreb. Mais le cœur n’y est pas.

Mitteleuropa. On se congratule peut-être même davantage à Bruxelles, où on se plaît à constater que l’UE, malgré la crise, constitue toujours une force d’attraction et que, en dépit de la prétendue fatigue des élargissements, elle continue à s’agrandir vers l’Est. Pour l’opinion croate, la marche a été longue, trop longue. En 1991, la plupart des Croates pensaient que la fin du mariage forcé avec Belgrade et l’ex-Yougoslavie les arracherait à ces Balkans troublés auxquels ils étaient convaincus de ne pas appartenir, pour les rattacher à l’Europe centrale, la Mitteleuropa, «cette Europe bien élevée» dont une partie des élites a gardé la nostalgie depuis l’effondrement de l’Autriche-Hongrie. «En 1989, nous étions sûrs qu’il suffisait d’introduire le pluripartisme pour avoir la démocratie. Mais les électeurs, ici et en Serbie, ont choisi des hommes aux conceptions nationalistes héritées du XIXe siècle. Et au lieu de rejoindre l’Europe, nous avons eu la guerre», constate le fondateur du Comité civique pour les droits de l’homme, Zoran Pusic.

La Croatie, lorsqu’elle sort de la guerre en 1995, est loin d’être prête à intégrer l’Europe : ethnocentrée - «Ils sont partis avec leurs slips sales», lancera le président Franjo Tudjman après l’exode des Serbes de la province rebelle de Krajina pendant l’été 1995 -, elle est aussi un Etat autoritaire soumis à la férule de l’ancien général. «A l’époque, il n’y avait ni liberté d’expression, ni liberté des médias, ni même de sécurité personnelle. C’était un pays qui vivait dans l’arbitraire et où Tudjman décidait même de qui allait diriger l’équipe nationale de football», raconte le commentateur politique du quotidien Jutarnji List, Davor Butkovic. Tout change à la mort de Tudjman, en décembre 1999, suivie en janvier 2000 de la victoire aux législatives du SDP (Parti social-démocrate, ex-communiste) d’Ivica Racan, qui devient Premier ministre. Le mois suivant, Stipe Mesic, un dissident du parti de Tudjman, qui réhabilite le passé antifasciste de la Croatie en rejetant tout flirt avec les symboles oustachis (les collaborateurs de l’Allemagne nazie au pouvoir entre 1941 et 1945 ), est élu président pour cinq ans, et réélu en 2005.

TPIY. L’Europe encourage la transformation de ce régime présidentiel en un système parlementaire. Elle se précipite à Zagreb. «A l’époque, c’était l’enthousiasme. Près de 80% des Croates étaient favorables à l’entrée dans l’Union européenne. Mais quand le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a commencé à réclamer l’extradition de généraux soupçonnés de crimes de guerre, ce chiffre est tombé à 30%», se rappelle Visnja Samardzija, spécialiste des intégrations européennes à l’Institut des relations internationales de Zagreb. L’affaire Gotovina - ce général, ex-légionnaire franco-croate, accusé de crimes de guerre contre les Serbes lors de l’opération de reprise de la Krajina - a aussi plombé les relations entre Bruxelles et Zagreb. Elle sera gérée par Ivo Sanader, revenu aux affaires en 2003, le chef de l’Union démocrate croate (HDZ), parti fondé par Tudjman. Ce conservateur policé ouvre largement à son pays les portes de l’UE en donnant au TPIY les renseignements nécessaires à l’arrestation de Gotovina. Il fait taire son extrême droite et ses vétérans tout en poursuivant la refonte de l’Etat. C’est lui qui lance en 2003 une réforme pour donner aux Serbes restés en Croatie (4,36% en 2011 contre 12% en 1991) un véritable statut de minorité.

Les négociations d’adhésion ont par ailleurs longtemps été repoussées en raison de différends avec la Slovénie voisine sur la délimitation de leur frontière maritime commune et sur le remboursement de la dette d’avant-guerre de la Ljubljanska Banka envers ses épargnants croates. Elles débutent le 3 octobre 2005 et s’achèvent avec la signature du traité d’adhésion, le 9 décembre 2011. Un référendum d’adhésion est organisé en janvier 2012. Le oui l’emporte haut la main (67,27%). Sans exprimer un soutien massif : l’abstention est très forte. Les premières élections de députés européens, un an avant le scrutin prévu dans toute l’UE, ont été peu suivies et ont donné une majorité à la droite (dont un siège à une nationaliste anti-européenne).

La plupart des Croates ont l’impression d’avoir dû effectuer un chemin de croix. Gardant les réminiscences d’un monde où ils faisaient figure de contrée développée au sein d’un Est européen largement rétrograde, ils ne comprennent pas que la Bulgarie et la Roumanie (admises en 2007) soient entrées avant eux dans le club européen. Pendant des mois, ils ont même craint qu’on ne les contraigne à attendre que la Serbie voisine et ex-ennemie soit prête pour que les deux pays adhèrent en même temps. Cette impression d’injustice a été renforcée par le fait que la Croatie a été le premier pays candidat qui a dû suivre les règles plus strictes que Bruxelles a mises en place, échaudée par les manquements de la Roumanie et de la Bulgarie à leur entrée. Zagreb a dû accepter un mécanisme de suivi, notamment en matière de justice et de droits de l’homme, qui a duré jusqu’au printemps. Le pays s’est attelé à devenir le bon élève de l’UE. Il n’a pas hésité à faire juger pour corruption son ancien Premier ministre, Ivo Sanader, condamné en novembre à dix ans de prison. Mais le jugement, prononcé plus hâtivement que le veulent les règles d’un Etat de droit, pourrait ne pas résister à une procédure en appel. Dire que les Croates entrent à reculons dans l’Union est sans doute trop fort. Ils restent à 64% favorables à l’adhésion. «Les Croates ont compris qu’ils ne devaient pas s’attendre à obtenir tous les avantages qu’ont eu les ex-pays du bloc socialiste lors de leur entrée en 2004», souligne Visnja Samardzija.

Inquiétudes. La crise économique mondiale, dont les répercussions ont frappé durement le pays à partir de 2009, a changé la donne. Le débat sur l’Europe, largement idéologique en l’an 2000 - avec des arguments comme : nous appartenons à l’Europe, c’est notre place et nous la méritons -, est soudainement devenu économique, comme c’est le cas dans tous les pays de l’UE. On a vu surgir les mêmes interrogations et inquiétudes que lors des précédents élargissements : les étrangers vont-ils racheter nos terres, ici la côte adriatique ? Allons-nous perdre nos marchés traditionnels à l’Est ? Ou encore, au nom de quoi devrions-nous renoncer à aider les chantiers navals, fleuron de notre industrie ? Alors que la mobilité des travailleurs - but ultime de toute adhésion - ne sera pas finalisée avant juin 2015, les Croates, plutôt indifférents à la crise grecque, savent ce qu’ils vont gagner avec leur admission dans l’Union européenne : des fonds et des investissements pour les entreprises. Et pour le commun des mortels, de nombreuses baisses de prix, dont celles des communications sur les mobiles, symboles de statut social pour la jeune génération.

En même temps qu’elle accueillait la Croatie, l’Union européenne a ouvert vendredi ses portes à la Serbie, son ancienne ennemie, comme elle issue des guerres qui ont suivi l’explosion de l’ex-Yougoslavie, en 1991. Ce complexe processus visant à harmoniser les lois et règlements de la Serbie avec ceux du bloc européen débutera «d’ici janvier au plus tard», a annoncé à Bruxelles Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen. Belgrade, qui a signé en avril un accord de normalisation avec son ancienne province du Kosovo, a ainsi été récompensée. «Vous pouvez être sûrs que la Serbie fera tout pour accélérer les réformes», a affirmé le Premier ministre serbe, Ivica Dacic, en émettant le souhait que les négociations ne durent que «quatre, cinq ans, [et] non dix ans».

 

Article libération de : HÉLÈNE DESPIC-POPOVIC

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