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Ma Yougoslavie
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21 juin 2013

Serbie, un monument pour les déserteurs des guerres des années 90

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Durant les conflits des années 1990, ils sont des dizaines de milliers a avoir refusé de porter les armes, à avoir refusé de partir au combat. Longtemps, ce sujet est resté tabou en Serbie, mais une sociologue de Novi Sad, Janja Beč, propose aujourd’hui d’élever un monument à la mémoire de ces déserteurs.

Vingt ans après la fin des conflits qui ont déchiré l’ancienne Yougoslavie, la Serbie est-elle prête à se souvenir de ceux qui n’ont pas voulu prendre les armes ? De ceux qui ont jeté leur fusil et qui sont rentrés chez eux ?

La sociologue Janja Beč de Novi Sad a récemment proposé d’élever un monument aux déserteurs des années 1990, à ceux que l’on évite toujours d’évoquer en Serbie. En signe de protestation et de révolte, on estime que 40.000 soldats mobilisés, et entre 100 et 200.000 hommes auraient, de diverses manières, évité de faire la guerre.

« Mon initiative est d’ériger un monument aux déserteurs en Voïvodine. Pour bien montrer que ces actions courageuses ont existé dans une région que l’on associe toujours aux souffrances, aux crimes de guerre et aux génocides. Il est temps de parler de ceux qui ont refusé de faire la guerre. Lorsque j’ai lancé cette idée, aucun média ne l’a relayée en Serbie. Ce silence est terrible. Les véritables héros des guerres, de toutes les guerres, ce sont les déserteurs », explique Janja Beč, en soulignant que de nombreux monuments dédiés aux déserteurs existent en Allemagne.

Nataša Kandić, la directrice Fond pour le droit humanitaire de Serbie, rappelle le soutien que les habitants de Belgrade ont apporté aux déserteurs. « Je ne suis pas sûr que j’élèverais un monument mais je crois que le temps est venu de parler des années 1991 et 1992. Les citoyens serbes se sont mobilisés contre la guerre qui faisait rage en Croatie. Du 8 octobre 1991 au 8 février 1992, une grande toile fut déployée devant le bâtiment de la présidence de Serbie. On pouvait y lire ’Solidarité avec les opposants à la guerre’ », explique-t-elle. « Durant la période la plus dure, fin 1991, début 1992, les opposants aux combats ont réussi à recueillir plus de 78.000 signatures contre la guerre ».

Nombreux sont les exemples de l’héroïsme des déserteurs. Tout le monde a par exemple oublié l’histoire du réserviste de Valjevo, Vladimir Živković, qui, depuis le front de Vukovar, a conduit son tank devant le Parlement fédéral. Cette image a fait le tour du monde. D’autres histoires ont été soigneusement dissimulées, comme celle de Miroslav Milenković, un réserviste de Gornji Milanovac.

« Miroslav Milenković faisait partie d’une unité déployé à Šid, où une révolte venait d’éclater. Certains réservistes ne voulaient pas aller en Croatie, d’autres pensaient que c’était leur devoir. Deux colonnes se sont formées, Miroslav Milenković est passé plusieurs fois d’une colonne à l’autre, avant finalement de prendre son fusil et de se tuer ».

Les six femmes de la République de Trešnjevac

Il y eut aussi d’autres formes de résistance. Un Belgradois retourna par exemple la convocation militaire de son fils en inscrivant « Z.P. ne peut aller à l’armée. Son père ne le lui permet pas ». Où bien les mots que prononça un réserviste à son général en abandonnant son poste : « Dès que la Serbie sera attaquée, nous serons là ».

Peu de gens connaissent aujourd’hui le village de Trešnjevac en Voïvodine. Celui-ci s’est révolté et a empêché les soldats mobilisés de partir au front. « En novembre 1991, six femmes de ce village ont stoppé 200 hommes qui devaient partir à la guerre. Ces six femmes, qui travaillaient au dispensaire et au jardin d’enfants, ont soulevé le village et proclamé la République de Trešnjevac. Celle-ci a duré quelques mois. Ce village a tenu en respect 92 tanks. A cette époque, ces informations n’étaient bien sûr pas divulguées, mais aujourd’hui, on peut en parler ».

Stojan Cerović, le plus connu des chroniques de Vreme, prématurément décédé, avait déjà évoqué la possibilité d’élever un monument aux déserteurs. « Ma proposition est de faire un monument en l’honneur du Déserteur inconnu…Pour la décence, pour l’intégrité, pour la sagesse, le sincérité et l’humanité », écrivait déjà Stojan Cerović à l’époque ou Slobodan Milošević était encore au pouvoir.

Milica Tomić fait partie du collectif d’artistes Spomenik. « Je ne sais pas si cette action va réussir, mais cela serait merveilleux de voir qu’il est possible d’élever ce monument. J’espère qu’il sera bientôt possible de parler publiquement des déserteurs. Tout le monde sait que des unités entières se sont soulevées lorsqu’elles marchaient sur Vukovar, levant leurs armes pendant que les officiers les forçaient à avancer ».

Certains soldats ont aussi déserté car ils portaient l’étoile rouge à cinq branches de l’Armée yougoslave (JNA) et que les objectifs de cette guerre n’avaient pas été clairement énoncée…Certains déserteurs ont été jugés, le soldat Vladimir Živković, qui avait détourné son tank, fut l’un d’entre eux. En 1996, une loi sur l’amnistie a été adoptée, des centaines de milliers de jeunes ont alors quitté le pays pour ne plus jamais y revenir.

 

Article de : Radio Slobodna Evropa, traduction Persa Aligrudić

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